Mon
sac à dos est accroché à des pinces à linge et sent bon la lessive… Il y
a une semaine je pestais dans la montée du Colorado. Je savais déjà que
j'allais boucler ces 93 kilomètres et…
Je reprends au début ? Allez, c'est parti,
je me replonge dans la course et déjà le sourire me vient aux lèvres.
Pourtant, rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé !
La
folie a commencé dès jeudi soir : je suis allée au départ du Grand Raid
et j'ai pris position avec Soso sur une fontaine, afin de pouvoir
encourager les 7 « Tmttistes » fous, qui se sont élancés à 22h30 pour
172 kilomètres.
Dans
le feu de l'action, pas question de rentrer dormir : nous sommes allées
à Bérive pour les encourager : on en a vu 3, et, incroyable, j'ai
également croisé Christophe Barré, qui porte bien son nom. Christophe
est un gars qui faisait de l'impro théâtrale avec moi à Nouméa et qui a
fait le tour de Calédonie en savate 2 doigts.
Il
était de nouveau en savates pour ce Grand raid d'anthologie. Lorsqu'il
m'a reconnue, il a dit : « ça tombe bien que tu sois là, je vais faire
une pause ». Il a retiré ses savates, a posé ses coudes dessus et s'est
tranquillement installé en poirier, alors que les autres concurrents
passaient, en se foutant de lui.
Sauf
que Christophe, malgré ses savates, est arrivé dimanche matin à 6h30
(je dormais dans ma tente et j'ai entendu le journaliste à l'arrivée
hurler, puis Christophe réciter une poésie : un fou réellement fou !),
avant la plupart des raideurs qui se moquaient de lui ce jeudi soir, et
alors que 50% des concurrents ont abandonné, malgré la rude sélection
instaurée par le système de points.
Comme
j'étais - presque - en pleine forme, je suis aussi allée avec Soso à
Mare à Boue vendredi matin, affronter le froid, la pluie et le vent.
Puis
j'ai pris ma petite voiture rose, j'ai mis la tente dans le coffre, mon
sac pour la Redoute, et je suis allée la garer à St Denis, près du
stade : j'avais décidé d'aller au bout de ce trail, et c'était donc une
solution parfaite !
Ensuite j'ai passé plus de 3h dans le bus, pour retourner à la maison.
Heureusement mon amie Cathy m'a proposé de m'emmener à Cilaos, où j'avais trouvé un hébergement pour la nuit.
C'est là que j'ai fait mon premier choix stratégique… pourri !!
Disons
que j'avais du sommeil en retard et que je me suis dit que c'était une
excellente idée d'arriver après la bataille, vers 3h15 pour un départ à
4h00 du mat'. J'avais envie de me mettre plutôt devant, sachant qu'après
8km le goulet de la montée du Kerveguen m'attendait.
En
trottinant vers le stade au côté de Cathy, je lui ai dit : « Je vais me
mettre devant ! Tu comprends, je n'ai pas envie d'avoir 1000 personnes
devant moi dans le Kerveguen ».
Raté
! Tout le monde a dû avoir la même idée que moi. A 3h15, l'entrée du
stade était complètement saturée, et il y avait effectivement 1000
personnes devant moi.
A
3h55, tendue comme une arbalète, et alors qu'une jeune zélée vérifiait
le contenu de mon sac, j'entendais le « présentateur » au micro annoncer
le décompte des minutes… Petit coup de stress…
Lorsqu'enfin
j'ai pu accéder au stade, j'ai compris qu'il serait impossible d'être
devant. Je me suis faufilé sur le côté pour « doubler » le plus de monde
possible… et au moment du départ j'étais dans le dernier tiers.
Arggghhhhhhh !
J'ai
passé les 8 premiers kilomètres à courir pour doubler le plus de monde
possible. Je me sentais bien, mais tout le monde se sent bien à ce
moment-là. Et dans la montée du Kerveguen, ce que je voulais éviter
s'est produit : boquée dans les embouteillages !
Là
j'étais énervée. Contre moi, contre ma stratégie pourrie, contre les
autres qui ont eu la même idée, contre tous ceux qui sont partis trop
fort et qui ensuite calaient dans la montée et nous bloquaient, me
bloquaient !
Je
soupirais, doublais en me glissant sur les côtés lorsque c'était
possible, soupirais encore. Certains, encore plus énervés que moi,
criaient : « Avanceeeeeez ! ». D'autres papotaient tranquillement. J'ai
fini par me calmer et regarder le lever de soleil sur le Grand Bénare.
Magnifique, comme d'habitude. J'ai ensuite tenté de positiver en me
disant qu'après tout, cela me permettait un départ pas trop rapide, que
je me rattraperais dans les prochaines montées, qui sont - normalement -
mon point fort…
Alors que j'avais tablé sur 2h30 pour rejoindre le premier ravito, au gîte du Piton, j'ai mis plus de 3h. Gruuuuuuumf !
Je
ne sentais plus mes doigts. Je ne sais plus ce que je voulais dans mon
sac, mais je me souviens que j'ai dû déclipser les sangles avec les
dents…
Deux
minutes d'arrêt et je me suis lancée dans la descente du cap anglais
(le fameux !), vers Bélouve… Et là encore, ça ne s'est encore pas passé
comme prévu.
J'avais
entendu à la radio, avant de réellement la couper !, que les chemins
étaient « dégueulasses », « pourris » etc… C'est peu de le dire. La
descente vers Bélouve n'était qu'une gigantesque patinoire de boue. J'ai
encore cherché à positiver : « la boue, ça amortit et c'est bien pour
mes genoux » !
Pendant
les presque 2h de descente, je n'avais qu'une obsession, en plus de ne
pas me prendre un gros gadin, c'était de ne pas -trop- mouiller mes
chaussures, puisque je devais ensuite attendre de longues heures avant
de retrouver mon sac d'allègement à Deux Bras et la paire de chaussures
de rechange que j'y avais glissée.
A
Bélouve j'ai avalé une soupe en continuant à marcher et, enfin !, j'ai
pu accélérer. J'ai cavalé dans la descente, je me sentais super bien,
avec une pêche d'enfer et j'avais hâte d'attaquer la montée suivante,
qui semblait inquiéter tout le monde. Une longue montée de 9
kilomètres…
J'avais
prévu de m'arrêter à Hell Bourg mais comme j'avais la pêche et que je
venais de manger une soupe, j'ai enchaîné directement, toujours en
courant. Car il y a d'abord quelques kilomètres de route en descente.
A
ce moment-là d'ailleurs il y a une anecdote rigolote : j'ai doublé un
couple puis ai été doublée par un gars (qui arrive à la Redoute 2 places
devant moi !) et cela a dû mettre la pression à la fille du couple qui a
dit à son copain : « tu veux qu'on coure ? ». Lui « Non, non, on les
rattrapera ! »… Ben j'attends toujours ;-)… Je ne les ai pas revus
ceux-là…
Un
peu plus bas, alors que je venais de doubler une fille, je sens soudain
une inondation contre ma jambe : l'embout de mon tuyau de camel back
avait disparu ! La misère !! Comme je courais en descente, mon réflexe a
été de relever le tuyau, pour stopper l'inondation, mais tout en
continuant à courir ! Il m'a fallu quelques dizaines de mètres pour que
l'information monte au cerveau et que je percute que je ne pouvais pas
faire le reste de la course avec une main en l'air ou avec mon camel
vide !
Demi tour, la fille me regarde toute étonnée et me dit : « ben alors ? »…
Heureusement,
en suivant les traces d'eau, j'ai retrouvé l'embout et l'ai remis !
Encore une bonne expérience : je ne partirai plus jamais en course ou en
longue sortie sans un embout de secours !!!
Je
recavale dans la descente et rattrape la fille, alors que nous
attaquons la montée. Le début est très raide, il n'y a pas d'ombre, et
j'ai un coup de chaud. Tellement que je ne me sens pas bien du tout.
J'ai les jambes lourdes, avec la sensation qu'elles sont engourdies,
avec des fourmis… Cela m'inquiète, ça ne m'est jamais arrivé. Mon moral
baisse, d'autant plus que les montées sont ma force : si je n'ai rien
dans les jambes pour les montées, ça ne va pas du tout !!
Alors
je décide de m'accrocher à la brunette devant moi qui semble avoir un
bon rythme. Je l'ai rattrapée mais cette fois-ci je dois me faire
violence pour ne pas me faire distancer. Je me cale 1m derrière elle, je
mets mes écouteurs, je tente d'oublier que mes jambes font mal,
qu'elles ne sont pas comme d'habitude, qu'elles sont lourdes,
engourdies…
Tout
le monde m'a prévenu que cette montée est longue. Très longue.
Plusieurs heures. J'ai en tête le temps de Michel, un gars qui
s'entraîne avec le groupe et qui a mis 23h20 sur le Trail de Bourbon
l'année dernière. Il a mis 5h30 pour cette partie-là. Je ne regarde pas
ma montre. Je regarde les mollets de la brunette qui semble n'avoir
aucune difficulté. On double pas mal de monde, je m'accroche.. Par
moment ça va mieux, je ne souffre plus pour la suivre, puis la sensation
de lourdeur revient… J'ai déjà eu des coups de mou en m'entraînant, je
sais que ça passe. C'est juste plus long que d'habitude, mais ça va
passer !
Je
sais aussi (vive les entraînements et les retours !!) que parfois j'ai
la sensation que je n'avance pas, mais que ce n'est pas si mal…
Mon
moral revient. On double encore et le ciel se couvre. Il se met même à
pleuvoir, une sorte de crachin breton : exactement ce dont j'avais
besoin !!!
Je
retrouve de l'énergie … Et nous arrivons au ravito de la plaine des
Merles… Ce n'est que le lendemain de la course, alors que je regardais
les différents temps que j'avais mis entre chaque ravito, que j'ai vu
que je n'avais mis que 3h pour cette montée, ce qui semble être un bon
temps ! Merci la brunette !! (Je l'ai d'ailleurs remerciée plus tard)…
J'ai
retrouvé la patate, je mange un bout de pain de mie avec du jambon, je
remplis mon camel que j'ai bien vidé (mais probablement pas assez !) et
je file direct sur le ravito du sentier Scout…
Là, pas de pause. J'ai toujours la patate, j'en profite !
Tandis
que je me jette dans la descente, j'entends un gars qui me dit : «
Allez les Avirons ! »… On discute 2minutes : il m'a vue faire du
fractionné sur le stade et il était à l'arrivée du semi 974 lorsque
j'étais sur le podium … Il m'a reconnue ! Et alors qu'on pourrait se
dire « Wahou, la classe », c'est là qu'hélas apparaît la rude vérité :
quand je cours, je crois que c'est facile de ne pas m'oublier ! Non
seulement on dirait un canard avec le cul en arrière et les genoux en
dedans, mais en plus, quand j'ai mes « tapes » sur les cuisses, on
dirait… on dirait quoi d'ailleurs ? ça ne ressemble à rien !
Bref,
le ptit gars en orange, il a quand même eu beaucoup de mal à me suivre.
Parce que j'avais retrouvé toutes mes sensations… Que du bonheur !!!
Je
suis arrivée à Aurère sans m'être vraiment arrêtée à un ravito. Mais
là, j'ai été obligée… J'ai voulu aller aux « toilettes » et… ouille,
ouille, ouille… Les nausées m'ont prises en même temps que l'infection
urinaire je pense.
A
Aurère j'avais faim, mais j'ai été soudain incapable de manger. J'étais
devant la table, les bénévoles me proposaient plein de choses et je
faisais une mine dégoûtée devant tout. Une infirmière qui a dû remarquer
mon petit manège m'a proposé d'attendre 15 minutes et de tenter de
manger après. Pas question !!
A force de regarder les « mets » proposés, j'ai soudain eu la révélation. J'avais envie d'oranges. Et j'ai fini l'assiette qui était devant moi. La bénévole est retournée en chercher, et j'ai continué à m'enfiler des quartiers d'oranges jusqu'à plus soif…
A force de regarder les « mets » proposés, j'ai soudain eu la révélation. J'avais envie d'oranges. Et j'ai fini l'assiette qui était devant moi. La bénévole est retournée en chercher, et j'ai continué à m'enfiler des quartiers d'oranges jusqu'à plus soif…
Puis, pour la première fois depuis le départ, j'ai sorti et allumé mon téléphone : j'avais plein de messages, c'était trop bon !
Je
l'ai vite rangé et je suis repartie pour Deux Bras, la mi course, où
m'attendait mon sac d'allègement, avec un red bull er des «Tucs » qui me
faisaient envie…
Je
savais aussi qu'il y avait un médecin et durant toute la descente que
je déteste (dans des blocs de pierre), alors que ma vessie me faisait
mal, je rêvais qu'il avait un remède miracle pour me soulager…
C'était
un rêve… Il m'a dit : « Infection urinaire ? Ah, mais j'ai rien pour ça
moi… J'peux vous donner un Doliprane… mais buvez deux litres d'eau »…
Pffff…
Là
j'ai dû faire un choix : une vraie pause pour m'alimenter, boire
beaucoup, et en profiter pour faire soigner mes pieds qui commençaient
sérieusement à chauffer, ainsi que mes genoux, en espérant que ce serait
payant dans la dure montée de Dos D'âne, ou repartir direct, en
croisant les doigts pour que la douleur dans le bas du ventre diminue,
comme les échauffements aux pieds et la douleur au genou droit (ce qui
est possible, puisque les montées économisent les pieds et les genoux)…
J'ai
fait le choix de m'arrêter. Deux podologues se sont occupées en même
temps de mes pieds puis un kiné a mis 15 minutes pour poser un strap à
mon genou droit… qui a tenu 7 minutes chrono dans la montée… Grrrrrrrr !
Je
ne regrette pas cette pause, même si elle a été trop longue selon moi
(40min). J'ai beaucoup bu, j'ai pris un anti inflammatoire (pour la
vessie et le genou), j'ai mangé des oranges, de la soupe, etc… et j'ai
beaucoup bu… Dont le red Bull …
Là
j'ai vu la brunette qui n'allait pas bien. Grosses nausées. Je lui ai
donné deux gouttes d'huile essentielle de menthe poivrée : je
l'utilisais déjà depuis un moment dès que les nausées montaient. C'est
naturel et ça marche très très bien.
J'en ai profité pour la remercier pour la montée de la Plaine des Merles.
J'ai enfilé le sac, et c'était reparti…
La
brunette s'est levée aussi et m'a dit qu'elle allait me suivre dans Dos
D'âne. Je lui ai proposé qu'elle passe devant si le rythme n'allait pas
(puisqu'apparemment ce n'était pas mon jour pour les montées) et elle
m'a répondu qu'on pouvait se relayer… j'ai dit Ok.
Mais
dans cette montée raide, j'ai de nouveau retrouvé toutes mes
sensations. Et je n'ai été doublée par personne durant toute
l'ascension, tandis que je doublais …
Dans
ces moments-là, comment dire… Ce n'est pas que le moral va bien, non !
C'est plus que ça ! A ce moment-là, j'avais l'impression que je pouvais
continuer à marcher et courir pendant des heures, des jours… je me
sentais sereine, en paix, et en même temps pleine de vie. Heureuse.
Comblée… Un truc de fou. Indescriptible..
Lorsque
je suis arrivée au sommet, il y avait une collègue qui était là, qui
m'a félicitée, me disant qu'il y avait peu de filles devant, que c'était
super ce que je faisais. Je la connais peu mais c'était sympa de la
voir !
Le
soleil commençait à baisser, mais je savais que je ferai la Kaala de
jour et c'est un gros avantage… Il faut se tenir aux troncs d'arbres,
aux racines, car ça descend raide, dans la terre…
Tout
s'est bien passé, j'avais toujours la pêche et j'ai attaqué le Sentier
Ratineau en trottinant. A cet endroit le trail de Bourbon rejoignait le
Grand raid et j'ai commencé à doubler des « fous » complètement épuisés.
Des zombis qui attaquaient leur 3ème nuit…
Lorsque
je sentais de nouveau des douleurs dans le ventre ou que la nausée
montait, je me suis juré deux ou trois fois que JAMAIS je ne
m'inscrirais à la diagonale des fous. Un truc pour les fous, rien que
pour les fous !
Assez vite j'ai reconnu le sentier que j'avais pris l'année dernière, lorsque j'étais venue à la rencontre de Jérôme.
Et
au détour d'un chemin, tandis que soudain j'ai aperçu toutes les
lumières du Port et le noir de la mer, sur le ciel rouge, violet, j'ai
ressenti de la fierté… beaucoup de fierté. Je me suis dit qu'un an
auparavant je rêvais d'être là. Et que cette année c'était moi, que ce
n'était pas fini mais que j'y arriverais, et peut-être bien classée si
mes genoux ne me jouaient pas de tour.
J'ai
accéléré. Je me sentais pleine d'allégresse, tout en sachant que cet
état ne durait pas, qu'il fallait être prudente, ne pas tomber. Je suis
restée concentrée jusqu'à arriver aux premières maisons où une surprise
m'attendait: mon amie Cathy était là et m'a accompagnée pendant la
quinzaine de minutes qui me séparait de La possession… Un gros ravito.
Là
un autre collègue m'attendait avec un « Lion ». On en avait parlé en
rigolant au collège, et au cours de la journée il s'est rendu compte que
j'étais devant son cousin et pas loin de lui, et qu'il pouvait faire
d'une pierre deux coups…
J'étais incapable d'avaler un lion, mais le sandwich jambon/fromage qu'il m'a proposé m'a fait envie… Encore une erreur !!!
Car
comme je me sentais super bien, j'ai juste remis de l'eau dans mon
camel, et je suis partie directement pour le chemin des anglais, mon
sandwich à la main.
Dès
la première bouchée, j'ai su que ça ne passerait pas. Comme il fallait
bien manger, je me suis forcée à avaler 3 bouchées, et j'ai gardé le
sandwich dans la main jusqu'au ravito suivant où je l'ai laissé.
Mais
j'ai souffert ! Quel traitre ce chemin des anglais !! Il y a 3 ravines à
passer : ça monte, c'est dur (c'est un chemin pavé et tous les pavés
sont différents), puis c'est plat, longtemps, puis ça descend, puis ça
remonte, c'est replat, longtemps, puis ça redescend… Ok, j'arrête, ça
fait ça 3 fois !!… A la lueur de la frontale ça me semblait
interminable. La première montée a été très dure. J'avais l'impression
de me trainer. Sur le plat et dans la descente j'ai trottiné, puis la
seconde montée a été un peu plus facile, comme la dernière. Mais quel
soulagement d'arriver au ravito de La Grande Chaloupe !
Là
j'ai de nouveau mangé des oranges, un bout de pain avec du pâté, deux
dattes qui me faisaient envie… mais c'était déjà trop et je suis
repartie nauséeuse.
J'entendais mon portable qui bippait sans arrêt. Mais je voulais avancer alors je n'ai répondu à personne.
J'ai
attaqué la montée du Colorado, la dernière, au ralenti. Et comme dans
un film, au ralenti justement, j'ai commencé à doubler un gars. J'avais
repéré ses chaussettes de contention : ça faisait un moment qu'on
marchait plus ou moins ensemble.
Cette
séquence aurait valu une récompense dans Vidéo Gag : car le doubler a
dû prendre plusieurs minutes. C'était hallucinant, tellement on allait
doucement tous les deux.
Quand, enfin, j'ai eu une demi longueur de pied devant lui, il m'a parlé :
- « J'ai un coup de barre ça va pas ».
Moi, tant de franchise, ça m'a touchée. Oui, je sais, c'est nul, il a juste dit qu'il avait un coup de barre…
Je lui ai dit que c'était presque fini, qu'il ne fallait pas lâcher maintenant. Je lui ai dit de s'accrocher, qu'il me suive. Que de toutes façons moi aussi j'étais cuite, qu'on était dans la même galère, que c'était gagné maintenant…
Je lui ai dit que c'était presque fini, qu'il ne fallait pas lâcher maintenant. Je lui ai dit de s'accrocher, qu'il me suive. Que de toutes façons moi aussi j'étais cuite, qu'on était dans la même galère, que c'était gagné maintenant…
Il
est resté à 50cm derrière moi. Lorsqu'on a aperçu les lumières de St
Bernard, il a reparlé. Il m'a dit que ce n'était pas fini, qu'il restait
un gros morceau, qu'il allait mieux. Moi j'avais de nouveau mal au
ventre et je le lui ai dis.
Il
m'a dit que j'étais courageuse de faire le trail dans ces conditions ;
Que je marchais bien, que je pouvais être fière de moi. Qu'il s'appelait
Jacky.
On
a pointé et on a presque cru que c'était la délivrance. Mais pas du
tout. Il restait 5km de montée. Et quelle montée !! Dans la terre qui
dérape, où il faut mettre les mains pour ne pas glisser.
Jacky
est passé devant et je me suis calée derrière lui, regardant ses pieds…
Plusieurs fois, quand il fallait mettre les mains à terre ou que les
marches étaient taillées pour des géants, il s'est retourné, pour voir
si j'y arrivais ; J'ai trouvé ça dément : il ne m'aidait pas, mais
l'aurait fait s'il y avait eu besoin. Le summum du fairplay, de la
délicatesse…
Sur
la fin de la montée, j'ai eu de nouveau un coup de mou. Je pense que
j'ai ralenti et j'ai dit à Jacky de ne pas m'attendre, que c'est une
course. Il m'a dit que non, qu'on avait le même rythme, qu'il n'y avait
pas de problème. Je crois bien qu'il a menti. Je n'en suis pas sûre
puisque parfois j'ai l'impression de ne pas avancer et ce n'est pas le
cas, mais je crois quand même qu'il m'a attendue, jusqu'au dernier
ravito, celui du Colorado…
Un grand moment, l'arrivée au Colorado !
Jacky m'a dit qu'il traçait, qu'il y avait environ une heure de descente, une heure trente si mes genoux étaient douloureux.
Je
les sentais depuis un bon moment, les genoux, et même dans les montées,
en extension pour le genou droit. Mais ça tiendrait !!
J'ai
rempli mon camel à moitié, changé l'accu de ma frontale puisque
j'utilisais l'autre depuis le sentier Ratineau, j'ai avalé deux ou trois
quartiers d'orange, et feu !!! On contrôle ma frontale, Ok, j'ai le
droit d'y aller !
Oups,
immédiatement arrêtée par une nouvelle fausse envie de pipi.. Vite, un
fourré, hop, hop, ailllleuuh !, ça pique !! Et c'est reparti !
Et merdeuuuuh !! Cela fait 1 minute que je suis partie, et la frontale clignote, puis s'éteint !!!
Il
me semblait bien qu'un de mes deux accus ne tenait plus la charge !
C'est confirmé… Quelle benête de ne pas avoir vérifié, réellement
vérifié, AVANT la course !! Encore une erreur ! ça commence à faire
beaucoup !
Tant pis, je remets l'autre, avec le risque de tomber en panne aussi…
J'avais
prévu une descente avec 400 lumens, pour cavaler et mettre moins d'une
heure, c'est raté. Je mets la lampe sur 120, et j'assure une descente
rapide mais sans courir.
De
nouveau, une sensation de bien être m'envahit : c'est gagné. Cet ultra
qui me faisait rêver, je le tiens, … Je surplombe les lumières de St
Denis et, par intermittence, j'entends les clameurs du stade de la
Redoute.
J'avais
souvent visualisé cette arrivée, je l'imagine de nouveau… Il est 1h du
matin, il fait frais, je me sens tellement bien, malgré les quelques
douleurs qui sont bien présentes…
J'accélère un peu. Pas trop.
Et
puis je vois le stade, le pont de la voie rapide. Je me souviens :
après il y a une courte ligne droite pour longer le stade, l'entrée dans
le stade, un demi tour pour passer sous l'arche d'arrivée…
Nous
passons sous le pont et là j'ai envie de courir, de tout lâcher ! Nous
sommes trois à nous mettre à courir, les autres n'en peuvent
probablement plus et continuent en marchant.
Je
lâche tout, pas pour faire la course. A ce moment-là c'est fini, je
m'en fiche. Je me sens juste dopée, pleine d'adrénaline, ou
d'endorphine, ou les deux… je me sens des ailes et c'est en sprint que
j'entre sur le stade. Il y a deux têtes connues. Je suis tellement
contente qu'ils soient là… Une tape dans la main, un sourire, j'accélère
encore et passe sous l'arche avec la banane jusqu'aux oreilles…
J'ai réussi !!! Yeaaaaaaah !
« Natacha ? Natacha Canaud ? 5ème V1 ! C'est bien ça ! Comment s'est passé la course ? »…
Eh bien… pas du tout comme prévu, mais pas si mal que ça… ;-)…
Cette course m'a beaucoup appris. J'ai fait des erreurs de débutante. Normal puisque… je suis une débutante !!
Alors
que j'étais persuadée de bien m'hydrater, je me suis rendue compte que
j'avais peu bu en réalité, d'où l'infection urinaire. J'ai également
mangé trop sucré, d'où les nausées. Par contre je ne sais toujours pas
pourquoi j'ai eu ces sensations de jambes engourdies, ou de
fourmillements. Fatigue ? Déshydratation ?
Malgré
ces erreurs, j'ai tout de même réussi à gérer à peu près la course et à
faire une belle remontée, même si j'ai eu le sentiment de subir pendant
une bonne partie de la montée jusqu'à la Plaine des Merles. Il y a eu
des moments de plaisir intense, presque d'euphorie, et c'est bien
évidemment ceux là que je retiens.
Ceux
là qui me feront me connecter dans quelques mois, pour m'inscrire à La
diagonale des Fous ! Je sais, je me suis juré de ne pas la faire. Et
bein j'ai menti !!!!
C'était trop boooooooon …
Merci
encore une fois à tous pour votre soutien, vos encouragements si
chaleureux et qui m'ont tant touchée : merci à Cathy de m'avoir
accompagnée jusqu'à Cilaos, puis au départ, de m'avoir apporté du jus de
Cranberry à La Possession, d'être venue malgré l'heure tardive, merci à
Denis pour le lion et le sandwich qui n'est pas passé, merci à Jacky,
pour ce bout de chemin ensemble, merci à Jérôme pour tous ses conseils et ses encouragements, à Titouan pour ses sms et son soutien, à Tamsyn, ma petite puce qui suivait la course, merci à Anne et Denis pour tous leurs sms et leur bonne humeur, à Patrice pour ses encouragements, à Soso pour son soutien, son sourire, à Bruno pour ses messages, à Christian, Bob et Aline pour leurs encouragements, à Xavier, qui m'a donné la niak !, à Edouard pour son humour et ses messages de soutien depuis son île du pacifique, à Anna qui m'encourage depuis la Guyane, à Antonella, ma kiné, à Lolo, Michel, Laurent, Cécile, pour tous les entraînements et à Philippepour tout, et notamment, pour sa foi en moi.
(Publié par Natacha, relayé par Loïc)
(Publié par Natacha, relayé par Loïc)
Whaooo !
RépondreSupprimerLe canard à l'orange ;)
Sacré ptibou de femme ! Suis toujours autant impressionné !
RépondreSupprimerPresque que du plaisir donc, juste un peu de "bas" pour mieux apprécier les "hauts"!!! Très heureux pour toi. Très belle course! Belle championne!!!
RépondreSupprimerMerci les garçons ! C'est grâce à vous tout ça ! Des entraînements au top, des copains avec qui les partager, apprendre, échanger, se rassurer en cas de doute... Tu as raison Laurent, plein de plaisir aux entraînements et presque que du plaisir pendant la course (qui n'a cependant rien à voir avec celle que vous avez faite !)... Cependant je rejoins Philippe : ça reste une belle aventure, et, qu'on finisse ou pas, l'expérience est très enrichissante, mais la vraie vie n'est pas là... La vraie vie c'est la mousse au chocolat - et pas le canard à l'orange Lolo, lé pas comestible ;-) - qu'on mangera demain entre potes, c'est rire et partager avec son amoureux(se) et ses copains, c'est être en suffisamment bonne santé pour parcourir nos belles montagnes ou le monde entier... Hâte de vous voir demain, et pas QUE pour manger Lolo !
RépondreSupprimerToutes mes félicitations Nat'!!!!!!! Quelle belle course!! Tu as trop bien géré malgré les imprévus et ça donne vraiment envie en te lisant... à demain ;-)
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